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Vu à l’étranger Pour Procam UK, l’herbe est plus verte en Pologne

En Pologne, 90 % des agriculteurs ont moins de 4 ha, les technico-commerciaux ne les visitent plus depuis longtemps mais leur vendent des produits.

Investir à l’étranger est toujours une prise de risque importante. Elle peut se révéler payante, comme le prouve l’expérience du groupe britannique Procam en Pologne, même si quelques nuages pointent à l’horizon.

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En 2004, quand le groupe britannique Procam achète le négoce polonais Botus, la période est particulièrement favorable dans ce pays en plein développement agricole. « Procam Polska a pour vision de ne pas être un simple vendeur d’intrants, mais surtout un acteur du développement, déclare Jacek Dera, le directeur du développement durable de l’entreprise. Enseigner du savoir-faire dans l’utilisation des produits de façon efficace et saine pour assurer le respect de l’environnement est notre principale mission. » Une vision alors très différente de celle des autres distributeurs.

Faire payer le conseil, une utopie

L’investissement a pleinement réussi ; seize ans plus tard, la filiale a dépassé la maison mère tant en chiffre d’affaires qu’en résultats. Quant à l’objectif de départ, il n’est pas complètement atteint. Même si l’entreprise s’est beaucoup investie dans la pédagogie auprès des instituts et des écoles et qu’elle développe des essais ouverts à tous, elle reste un distributeur comme un autre qui vend des intrants pour gagner sa vie.

Avec 1,4 million d’exploitations dont 90 % de moins de 4 ha, il est bien difficile pour un distributeur d’être rentable dans un contexte de prix des intrants très bas. « Je choisis mes Key farmers pour délivrer du conseil. Imaginer de le faire payer me paraît aujourd’hui une utopie. Sur mes 1 000 clients, seuls 400 seront visités par moi ou l’un de mes 4 technicos, précise Mateusz Tołłoczko, directeur de la région de Płock. Ils pourront aussi entrer dans mon club technique s’ils le souhaitent. Les autres recevront nos catalogues et iront acheter dans l’un des multiples petits magasins que nous approvisionnons. » Il en va de même pour la livraison d’engrais en vrac que l’entreprise a développée.

Une forte communication digitale

La communication est un enjeu majeur dans la vente. « Les grandes fermes pratiquent l’agriculture de précision et, pour certaines, l’agriculture de conservation des sols qui commence à peine, sourit Mateusz Tołłoczko. Pour nous différencier, nous avons mis en place une communication digitale importante qui utilise non seulement les réseaux sociaux, mais surtout WhatsApp. » Procam Polska a réussi à créer suffisamment de liens et d’émulation pour que ce soient ses clients qui enrichissent le contenu avec des photos. « Je n’ai plus qu’à donner un avis et les préconisations nécessaires. » Pour tous les clients, il existe un site internet avec notamment la météo, mais 50 % d’entre eux n’ont pas d’ordinateur ni de smartphone. « Le meilleur reste le face-à-face, principalement lors des réunions de bout de champ que j’organise régulièrement », complète le directeur région.

Si le conseil est un enjeu majeur, il devient déterminant pour favoriser l’utilisation des semences certifiées, encore trop absentes en Pologne. « Le gouvernement l’a bien compris puisqu’il subventionne largement les semences traitées et certifiées. À nous de savoir convaincre les agriculteurs », se réjouit Mateusz Tołłoczko.

Fini la collecte physique

Procam Polska ne peut se passer de faire de la collecte, car le paiement des intrants est directement lié à la contractualisation de la livraison de céréales à la moisson. Pas simple, car faute de rentabilité, l’entreprise a revendu tous ses silos aux agriculteurs leaders. « Nous louons des capacités de stockage dans les fermes et vendons directement la collecte aux traders internationaux. À nous d’être performants pour faire des rotations rapides et efficientes sur ces locations. » La prise de risque est forte. Chaque année, des millions de zlotys sont ainsi engagés dans les fermes. « Nous n’avions que très peu de défauts de paiement jusqu’à 2018, mais depuis, les récoltes sont très mauvaises à cause de la sécheresse, soupire Mateusz Tołłoczko. Dans les cas difficiles, nous nous récupérons quand c’est possible sur les terres que nous revendons immédiatement. »

La crainte du bio

L’agriculture bio est quant à elle encore marginale, faute de clients. « Seule la région frontalière avec l’Allemagne s’est développée grâce à l’export. Avant de parler de culture écologique, il faut se rappeler que la Pologne a encore un objectif de sécurité alimentaire à assurer avant tout. »

Mais le phénomène existe et inquiète. Les marges sur les produits de protection des cultures, comme en Grande-Bretagne, baissent et vont poursuivre cette tendance. Un enjeu de survie pour toutes les entreprises de distribution. Il ne faudrait pas grand-chose pour déstabiliser le marché, d’autant plus que la réduction du nombre de matières actives imposée par l’Europe ne facilite pas une politique agronomique différenciante par rapport aux nombreux concurrents. Mateusz Tołłoczko en dénombre quinze dans un rayon de 50 kilomètres.

Christophe Dequidt

© C. DEQUIDT - Mateusz Tołłoczko, directeur de la région de Płock, pense que l’avenir de Procam Polska passe par la digitalisation.

© C. DEQUIDT - Procam ne collecte plus, elle loue des capacités chez les agriculteurs qu’elle fait tourner le plus possible en fonction des ventes aux traders.

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